Par quoi commencer ?
Ca fait des années que la psychanalyse n’est plus en odeur de sainteté alors, chuuuut, je me taisais.
Et là, bah, je suis prête. Je suis prête à parler après avoir vu « En thérapie » sur Arte.
J’ai découvert la psychanalyse en terminale lors d’un cours de philo. Le Ca, le Surmoi et le Moi. Ca m’a vivement intéressée. J’ai voulu faire des études d’orthophonie, j’ai raté le concours et donc en attendant de le réussir l’année d’après, je me suis inscrite en fac de psycho, Paris V, René Descartes. J’ai revu le Ca, le Surmoi et le Moi. Et quelques autres choses.
L’année d’après, j’ai eu mon concours d’orthophonie, j’ai laissé la psycho à d’autres. En première année d’orthophonie, à Paris, la Salpêtrière, j’ai revu le Ca, le Surmoi et le Moi de Freud !
Une fois, mon diplôme d’orthophoniste en poche, j’ai cherché du boulot partout sauf sur Paris. Que des candidatures libres. La DDASS de Rouen m’a téléphoné pour me dire que ma candidature avait été transmise au chef de service du CMP Charcot au Havre. J’ai été embauchée. C’est comme ça que je suis arrivée au Havre. Par hasard. En pédopsychiatrie. Par hasard. En 1986. La grande époque de la psychanalyse. Je suis arrivée le même jour qu’une autre orthophoniste, à peine plus âgée que moi. Poliment, elle s’était présentée à un psychanalyste : Laurence B., orthophoniste.
Le psychanalyste lui avait répondu : pff, ce ne sont pas des orthophonistes dont on a besoin ici mais des psys !
Ca commençait bien !
J’ai travaillé 11 ans dans ce service et j’y suis revenue de 2015 à 2019. Les choses ont évolué entre temps. Même ce psychanalyste a évolué, quelques années plus tard, il ne disait plus ça.
Quand je suis arrivée dans ce service, j’étais toute jeune. Malgré mon âge (23 ans), à mon avis, j’étais une ado attardée. C’était très curieux, j’étais entourée d’intellectuels, de gens qui pensaient, réfléchissaient ensemble, très cultivés, intéressés par la littérature, le théâtre, la danse, le cinéma et..la psychanalyse. Ca me fascinait, ils me fascinaient. Quand je dis les gens, mes collègues, ce n’était pas que les psychanalystes ; il y avait les infirmier(ère)s psy, les éducateur(trice)s, les secrétaires, les assistantes sociales, les femmes de ménage, les psychomotricien(ne)s et les orthophonistes. Les gens avaient le droit de penser, on leur demandait leur avis, on réfléchissait ensemble. Avec le recul, je me rends compte que c’était à l’image de la Clinique de La Borde. C’était ça. Je ne connaissais pas à l’époque, cette clinique. Pour moi, c’était fabuleux. La nuit, je déboulais dans les bars, les boîtes et le jour, je bavais devant toute cette richesse de pensées.
J’ai commencé à aller aux séminaires ; c’était évidemment très lacanien ; j’avoue, je n’y comprenais pas grand-chose. Mais je voulais savoir, je voulais comprendre.
Un jour, je me suis dit : mais tout est psy et moi, je suis orthophoniste. Qu’est-ce que je fais ? J’abandonne mon métier ?
J’en ai parlé à une collègue amie psy, elle m’a répondu avec son accent argentin : Martine, quel est ton désir ? Il faut que tu te questionnes sur ton désir !
C’est bien une réponse de psy ! En gros, ce qu’elle voulait dire, c’est que pour connaître mon désir, je devais passer par une analyse personnelle.
J’étais prête pour le faire. J’y suis allée pendant 11 ans. J’ai commencé mon analyse en novembre 1993, j’étais enceinte, au tout début de ma grossesse ; je ne savais même pas que j’étais enceinte, enfin, j’étais en attente de confirmation.
J’ai commencé mon analyse, peu de temps après que mon frère et sa femme m’aient offert une place pour voir du tennis à Bercy, place que j’avais perdue, que je n’ai jamais retrouvée. Très vite, au tout début de mon travail psychanalytique, je me suis rendu compte qu’à chaque fois qu’ils m’offraient quelque chose, je faisais une connerie. Accrochage en voiture (de ma faute), perte de cette place, etc. Curieux ! En fait, cela avait un lien très fort avec ce que j’avais vécu quelques années auparavant, un traumatisme dont je parle dans Mémoires de Guerre, le off de ma chronique du 15e jour. Traumatisme dont mon frère et ma belle-sœur avaient été témoins et impuissants.
Je répétais cet événement traumatique à ma façon, inconsciemment. De le rapprocher à mes ratages, d’y mettre des mots, je n’ai plus jamais fait de conneries quand ils m’offraient un cadeau, j’ai pu accepter les présents de mon frère et ma belle-sœur avec grand plaisir.