Une amie m’a fait parvenir un article, une interview de Barbara Stiegler, une philosophe. On l’interroge sur son livre : « Du cap aux grèves. Récit d’une mobilisation. 17 novembre 2018 – 17 mars 2020. »
Je vous laisserai lire l’article si vous en avez envie.
17 mars 2020, le début du confinement. Elle dit que nous sommes en pleine ère de glaciation. Ca m’a fait froid dans le dos. Elle a raison.
Je suis seule pendant 15 jours cependant je discute avec plein de gens. Les gens vont mal. Enormément de gens vont mal. Ils sont abattus, amorphes. Je ne vois plus beaucoup de sourires sur les visages. En même temps, on a tous des masques !!!!! Non mais il n’y a plus de sourires dans les yeux des gens, l’humour est parti.
Avant Noël, quelqu’un m’a dit à propos de mon livre « Mémoires de guerre » : de quelle guerre parlez-vous ? Parce que n’aurait-il pas mieux valu que vous appeliez votre livre « Mémoires de confinement » ? Parce qu’allez voir en Syrie et vous saurez ce que c’est la guerre !
Paf ! Prends ça dans tag !
Macron nous a dit le 16 mars pour annoncer le premier confinement que nous étions en guerre. Il l’a dit au moins sept fois, j’ai décroché très vite, sûrement avant la septième fois.
Effectivement, je n’ai pas connu la guerre (Macron, non plus d’ailleurs). La vraie avec des tranchées boueuses et immondes, des bombes pouvant s’écraser aux mauvais endroits, la peur au ventre à longueur de journées, de nuits. Je ne peux que l’imaginer au travers de tout ce que j’ai lu, tous les films, documentaires que j’ai vus, tous les témoignages que m’ont donné ma grand-mère qui a connu la première guerre mondiale, mes parents qui ont connu la 2nde guerre mondiale, ma marraine qui a perdu son père dans un bombardement au cours de la 2e guerre, etc.
Effectivement, je n’ai pas connu tout ça.
De ce que je sais de la seconde guerre mondiale au moins pour la France et les français, c’est qu’on l’a très vite perdue, enfin un armistice a été signé au bout de neuf mois : septembre 1939, juin 1940. La France est occupée par les nazis. Les français ont dû se plier aux lois, au couvre-feu, aux tickets de rationnement instaurés par le gouvernement pétainiste à la solde des nazis. Tous ne se sont pas pliés. Certains sont partis en Angleterre pour continuer à se battre auprès des alliés et d’autres ont agi de l’intérieur, en essayant de déstabiliser le plus possible le régime anti-démocratique. Alors, je ne pense pas qu’ils aient fait beaucoup de manifestations. Non, je ne pense pas. Ils n’avaient pas intérêt s’ils voulaient vivre un tant soit peu. Euh, la liberté d’expression, il n’y en avait pas beaucoup à cette époque.
Alors, ils distribuaient des tracts (c’est gentil), ils posaient des bombes entre autres, ils tuaient des gens, des allemands, des collabos. Parfois, ils se faisaient arrêter, étaient dénoncés, étaient torturés, déportés au mieux, fusillés au pire.
Même si l’armistice avait été signé, c’était la guerre.
Je repense à ces résistant(e)s, ils ont été prêts à donner leur vie pour sauver un pays, ils ont mis de côté tout sentiment et ont tué des gens, en l’occurrence des ennemis mais des gens quand même. C’est fou.
Aujourd’hui, en effet, nous ne sommes pas en guerre, c’est vrai. Mais toutes ces privations de liberté, de liens humains, toutes ces interdictions, tous ces gens laissés sur le côté (même s’ils ont des aides, j’espère qu’ils ont des aides – restaurateurs, artistes, etc). Qu’est-ce que ça va donner ? Pandémie de suicides ? Montée de violence ?
Je ne remets pas en cause les gestes barrière pour limiter la pandémie mais là, on est bien au-delà des gestes barrière.
Je disais : il va falloir réinventer nos vies.
Comment remettre la culture en route ? Ca devient urgent, là ! Y a-t-il des pièces de théâtre jouées, filmées qu’on pourrait voir sur un site payant ? Organisons des soirées visio avec échanges, partages de livres, d’auteurs, etc. Ca existe sans doute, je l’espère mais il faut en parler et développer ces moments. Il faut développer notre pensée, la donner, recevoir celle des autres.
Et retrouver le sourire et l’humour.