Boule de neige

Il y a l’événement originel, l’acte fondateur, déclencheur de tout ce qui va suivre.
Sans lui, rien n’aurait pu exister. Rien. Je n’aurais peut-être pas pu exister. Cet événement m’a marquée au fer rouge pour toujours, je porte sa trace indélébile, à vie et fait de moi, cette entité que je suis aujourd’hui.

C’était il y a très, très longtemps ; c’était à l’époque où la neige existait encore en région  parisienne, c’est vous dire !

J’étais très petite. Je ne sais pas, peut-être 5 ans, peut-être légèrement plus. Je pourrais même avoir 8 ans, c’est du domaine du possible. Peu importe, le résultat est là.

Il avait beaucoup neigé, suffisamment pour faire de la luge, dresser un bonhomme de neige, se lancer dans une belle bataille de boules de neige.

Nous étions à la Butte, ce terrain de jeu magnifique à Etréchy. Il y avait mon frère, plus jeune, sans doute mes parents, mais surtout ma grand-mère. Ma grand-mère que j’adorais, qui m’adorait. Elle voulait une fille, elle avait eu mon père. Et moi, je suis la première arrivée du côté des petits-enfants, alors…..

La neige était là, partout, sur les pins, les rochers, le sable avait disparu. Il y avait ce silence ouaté, cette beauté figée tout autour de nous. Le bonheur. La quiétude, le temps qui s’allonge surtout pour nous, enfants.

Nous étions en fuseau – c’était l’époque des fuseaux – et en anorak (le mien était sur fond blanc rempli de lignes courbes et de petits dessins géométriques bleus, étouffant le blanc, je l’aimais beaucoup). Nous devions avoir des bonnets tricotés par ma mère. Des bottes en caoutchouc, des moufles. Equipement parfait pour affronter le froid.

Et soudain la bataille de boules de neige démarre, encore hésitante. Je ne sais plus qui est l’initiateur en tout cas, je rassemble la neige, la tasse bien dans mes mains, la rassemble dans ma main droite, je lève le bras bien au-dessus de la tête. Ca va faire mal, c’est sûr. Mon frère est déjà planqué derrière un arbre.

Mon bras part légèrement en arrière pour donner de l’élan au projectile et là, je ne sais pas ce qui se passe, le début de la malédiction sans doute, au moment où je vais projeter la boule vers l’avant, paf, elle m’échappe et s’écrase au sol derrière moi !

Je reste bouche bée, ne comprends pas. D’ailleurs, personne ne comprend, tout le monde se raidit, s’immobilise, le geste en suspend.

L’étonnement passé, ma grand-mère éclate de rire. Ma grand-mère adorée qui m’adore !

L’humiliation totale.

Ce ne fut que le début d’une ribambelle de boules de neige s’écrasant piteusement derrière moi, d’une infinité de maladresses, de gestes décousus, de mots travestis, sans queue ni tête parfois, prenant la place d’un autre, syllabes tête bêche.

Finalement, j’ai choisi d’en rire. La vie étant beaucoup plus drôle comme ça.

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