Elle pourrait s’appeler Luna. Elle pourrait. Une chose est sûre c’est qu’elle vient d’avoir son bac et ses 18 ans. A la rentrée, elle va faire du droit, elle est inscrite à la fac. Mais elle va être obligée de travailler pour pouvoir payer ses études : ses parents gagnent trop pour avoir droit aux bourses et pas assez pour pouvoir lui payer ses études et une chambre.
Alors elle bosse. Elle a trouvé pour commencer un emploi saisonnier dans un hypermarché d’une très grande ville. Elle est arrivée timide et un peu angoissée : allait- elle réussir à gérer ce qu’on lui demanderait ?
Ses parents l’ont rassurée : ne t’inquiète pas, il y a des titulaires de leur poste qui pourront t’aider, t’encadrer.
En fait, pas vraiment.
Ça fait 15 jours qu’elle travaille.
Ce jour-là, elle s’est retrouvée au rayon charcuterie avec une autre nana qui venait d’être embauchée deux jours auparavant. Aucun titulaire du poste avec elles.
Il y a tout un tas de trucs à gérer, à penser.
Elles doivent servir les clients et nettoyer les plats, les machines avant la fermeture. Il y a sûrement toute une organisation qu’elles ne maîtrisent pas, qu’elles ne connaissent pas. Peu de temps avant la fermeture, Luna a dit à sa collègue : continue à servir les clients, moi, je commence à nettoyer.
Oui, sauf qu’à un moment, la queue s’est allongée, Luna ne l’a pas vue venir ; des clients ont préféré partir sans être servis, sont rentrés tranquillement chez eux et ont envoyé un mail à la direction qui a engueulé le chef de rayon qui a placardé sur le mur un avertissement contre Luna et sa collègue : une pierre, deux coups. Comme ça, ça met du plomb dans la tête à la gamine, nanméo. Et comme ça, les autres salariés et saisonniers apprennent qu’on ne rigole pas et que le client est roi.
J’avoue, c’est fin, c’est très fin.
Luna est mal mais c’est le métier qui rentre, gniark gniark, gniark (rire sadique).